LE COURAGE DE KILLIAN

Ce texte est ma participation à l’atelier d’écriture n°274 du 4 septembre 2017 sur Bric à Book

© Vincent Héquet

Killian avait toujours vécu là, à Leenane, dans le comté de Galway en Irlande. Son village cerné par la montagne et perdu au fond de l’unique fjord irlandais se situait près du port de Killary, sur la côte nord du Connemara.

Comme les autres habitants du lieu, il ne se lassait pas de ce paysage de tourbière, tapissé de rhododendrons et de lande rousse et souvent couvert d’un ciel aux nuages bas et aux couleurs changeantes. Comme eux, il était imprégné des mythes et légendes de cette terre peuplée de personnages fantasmagoriques. Il avait toujours cru que ces êtres étaient partout – dans les pierres, le sol et la végétation – et qu’ils se manifestaient dès lors qu’on les dérangeait.

Pourtant ce matin-là, face à la chaîne montagneuse qui dominait l’horizon, il regardait d’un œil nouveau « l’arbre aux fées » au pied duquel il était assis. Cet arbre il le connaissait bien et l’avait toujours respecté. Il savait que sous ses racines s’ouvrait un passage sur un monde féerique, habité de créatures qui se révélaient malveillantes si on les délogeait et bienfaisantes si on vénérait leurs fées maîtresses des lieux. Comme beaucoup d’autres avant lui, il avait honoré l’arbre pour ne pas s’en attirer les foudres et avait fait appel à sa magie en y accrochant des offrandes pour que ses prières soient exaucées.

Il avait cru en son pouvoir extraordinaire et malgré cela, il se retrouvait seul. Il n’avait ni frère, ni sœur ; ses parents l’avaient quitté pour l’au-delà depuis longtemps… sa femme et son fils depuis peu. Même son compagnon à quatre pattes avait rendu l’âme quelques jours plus tôt.

Le doute s’emparait de lui au rythme du brouillard qui envahissait la vallée.

Et si tout cela n’était que balivernes et superstitions ? Si ces êtres fantastiques n’existaient pas ?

Killian se leva, en proie à une agitation sans nom et à une détermination nouvelle. Que risquait-il maintenant à défier les fées ? A qui s’en prendraient-elles – sinon à lui – si elles voulaient le punir ?

Il admira une dernière fois l’endroit qui l’accueillait depuis plus de soixante-quinze ans, s’empara de sa hache et s’attaqua à l’arbre.

Il est tellement plus facile de braver les dangers quand on n’a plus rien à perdre !

©Jos Gonçalves le 4 septembre 2017


 

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13 réflexions sur “LE COURAGE DE KILLIAN

  1. Valérie 4 septembre 2017 / 22 h 17 min

    C’est avec grand plaisir que je retrouve ta plume. Effectivement Kyllian n’a plus grand chose à perdre, plus beaucoup d’illusions quant aux soit disantes fées qu’il a vénérées en vain pendant des années alors prendre ce risque, pourquoi pas. Adviendra ce qu’il adviendra. Le saurons-nous un jiur? Très bien trouvé.

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    • Josplume 5 septembre 2017 / 6 h 28 min

      Merci Valérie et contente de te retrouver grâce à cet atelier !

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  2. Nady 4 septembre 2017 / 23 h 09 min

    Ah ça y est ! ton texte est enfin dispo ! un très joli conte dont la conclusion me glaça le sang… « Il est tellement plus facile de braver les dangers quand on n’a plus rien à perdre ! » en effet, mis à part qu’on ait tous au moins un jour ressenti cette forte énergie de braver les interdits et dangers, je crains que les fanatiques pensent aussi ainsi et leur nombre grandissant devient inquiétant… une photo qui nous aura remués dans nos plumes et interprétations ! A côté du fond, j’adore ton style, tu poses le décor et ça nous amène facilement sur le chemin de ton histoire, merci et bravo pour ton texte ! Maintenant j’attaque les premières pages du roman… chronique à venir 😉

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    • Josplume 5 septembre 2017 / 12 h 32 min

      Merci Nady pour ton commentaire. C’est vrai, une fois de plus la photo de la semaine a donné naissance à des textes variés et originaux…
      Je suis contente d’apprendre que tu commences mon livre et ai vraiment hâte d’en lire ta « Chronique » !! A bientôt !

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  3. Stephie 6 septembre 2017 / 6 h 44 min

    Joli texte qui laisse la place au lecteur et permet à tout un chacun d’y glisser sa part d’imagination. Bravo 🙂

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  4. Leiloona 6 septembre 2017 / 9 h 00 min

    Ouch … On passe d’un monde où le merveilleux existe à un monde où la colère et le cynisme a enlevé les derniers espoirs de l’homme … Et effectivement comme le dit Nady, derrière ton histoire un message sur la naissance du fanatisme (ou dans une moindre mesure la naissance d’une colère d’un homme qui ne peut plus croire en rien, puisqu’il a tout perdu.) (Et en même temps, difficile de réagir autrement non ?)

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    • Josplume 6 septembre 2017 / 22 h 57 min

      C’est drôle, toi et Nady avez pensez au fanatisme en lisant la chute, alors qu’en l’écrivant je n’y pensais pas…Mon intention était plutôt de « relativiser » le courage que l’on prête à certaines personnes face à certaines situations. Je pense que parfois on est amené à prendre des décisions qui de l’extérieur paraissent courageuses mais qui ne sont prises en fait, que par manque d’un autre choix…ou par dépit. Ceci dit, en y réfléchissant bien, il est vrai que dans un autre contexte la réaction de Killian et la phrase finale pourraient être assimilées à du fanatisme… Merci Mesdames pour vos commentaires constructifs 😉

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  5. adèle 8 septembre 2017 / 17 h 40 min

    L’audace du vieux Kilian me réjouit beaucoup !
    Tu installes le décor, le personnage, un univers féérique. C’est très plaisant, cela commence en douceur.
    Et puis tu m’embarques dans l’histoire et hop, une accélération soudaine, et ce vieux Kilian qui enfin, peut-être pour la première fois de sa vie, ose échapper aux us et coutumes.
    J’aime ce texte libérateur, je n’ai vu que le côté positif !

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    • Josplume 9 septembre 2017 / 16 h 09 min

      Oui ! Le côté positif, c’est tout à fait le sens que je voulais donner à mon texte. Tenter enfin d’être maître de sa vie, en bravant ses peurs…même si c’est plus facile à faire quand on n’a plus grand chose à perdre ! Merci Adèle pour ton agréable commentaire.

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  6. Bip 13 septembre 2017 / 15 h 25 min

    Belle invitation à une suite et bravo si chacun l’imagine a sa façon c’est la vie!

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    • Josplume 13 septembre 2017 / 17 h 41 min

      La suite? Je laisse aux lecteur le soin de l’imaginer. Merci de ton passage et de ta lecture !

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