Ce texte est ma participation à l’atelier d’écriture n°234 du 3 octobre 2016 sur Bric à Book
Groggy par le frimas de l’hiver, l’homme regardait froidement le paysage qui s’offrait à lui et qu’il avait si souvent imaginé.
Hier encore, il aurait tout donné pour se retrouver sur cette terre promise, pour être enfin libre de travailler, d’aimer, de s’exprimer et de penser. Libre de vivre.
Hier encore, il parlait à ses enfants de cet avenir meilleur qui leur tendait les bras, de ce pays d’Europe où l’hiver tout est blanc et lumineux, telle une mariée vêtue de ses plus beaux apparats. Il leur promettait un paysage où la neige recouvre la terre de ses flocons scintillants et où la nature immaculée de sa blanche nudité héberge des squelettes effeuillés et cassants.
Hier encore, il s’imaginait avec sa famille foulant ce tapis d’or blanc et faisant crisser ses pas avec bonheur sur le sol durci par le froid.
Alors un jour, empreints de cet espoir effréné de vivre et non plus de survivre, la tête débordant d’image féériques qui n’étaient que chimères, ils avaient pris la fuite sur une embarcation de fortune pour traverser la méditerranée.
Et aujourd’hui il se retrouvait là, à l’endroit de ses rêves les plus fous.
Vivant… mais seul.
Ses enfants bien aimés disparus dans les profondeurs de la mer, qui devait être salvatrice mais qui les avait engloutis, ne vivront pas sur la terre promise, ne fouleront pas la neige de leurs pieds, ne verront pas la blancheur de l’hiver.
Et l’homme qui venait d’un pays où il ne neige jamais, avait aujourd’hui froid au cœur.
©Jos Gonçalves le 3 octobre 2016