Ce texte est ma participation à l’atelier d’écriture n° 282 du 6 novembre 2017 de Bric à Book

La gueule béante, le monstre semblait ne regarder qu’elle. Qu’elle se trouvât en face ou sur le côté importait peu : la bête féroce la suivait de son regard glacial…
Son père l’avait souvent menacée de l’emmener voir le Kâla, seul habilité à déterminer si ses actions étaient dignes des Dieux, et elle s’était appliquée à éviter les raisons de passer devant le juge suprême. Mais la sagesse ne peut être l’apanage de l’enfance et malgré ses efforts sincères, la fillette de 8 ans ne parvenait pas à contenter son père. Alors la veille, excédé par son comportement, il avait mis sa menace à exécution : dès le lendemain il la présenterait au jugement de la tête protectrice des temples et des palais.
Effrayée par les yeux exorbités de la bête, par ses dents acérées et son nez épais pourvu de narines dilatées, la petite n’osait bouger. Soumise au regard inquisiteur du juge qui passait au crible les 8 ans de son existence, elle ne doutait pas de la sentence et savait que le verdict serait sans appel. Son père lui avait dit, elle avait trop souvent désobéi, trop souvent agit sans discernement. Aujourd’hui, elle le regrettait amèrement. Terrorisée, elle se sentit attirée par le monstre et se dirigea sans volonté vers ses mâchoires impatientes. Elle voulut hurler sa peur, son regret et ses promesses de sagesse mais n’émit qu’un piètre gémissement qui ne reflétait en rien sa peur et son angoisse.
Quand les dents acérées s’abattirent sur son corps d’enfant, la petite pensa à son père, lui cria son amour et quémanda son pardon…
C’est à ce moment qu’elle se réveilla. Les draps mouillés par sa sueur et le visage inondé par ses larmes témoignaient de son effroi. Elle haletait et prononçait sans cesse le nom de Kâla. Alerté par ses cris son père accourut pour la serrer dans ses bras et la réconforter. Il chassa le sentiment de culpabilité qui tentait de l’envahir. Il comprit que son enfant venait d’emprunter le passage obligatoire à sa construction. Il comprit qu’elle venait de grandir.
© Jos Gonçalves le 6 novembre 2017
Un très beau texte sur l’enfance et la construction de soi, mais quel cauchemar !
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Et oui ! Le chemin pour grandir est malheureusement encombré d’embuches et de cauchemars… Merci de ta visite Sabtaill 😉
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Ai je bien compris que son père l’éduque dans la culpabilité et du coup la petite a cauchemardé bien fort cette nuit là ? Si c’est cela, je trouve que ton texte rejoint le thème d’Antigone avec des parents qui n’aident pas vraiment leur petits bouts à grandir… suis bien placée pour parler d’éducation 😉 bon, j’ai eu beau le relire plusieurs fois, je ne vois que le fond pour discussion, la forme est parfaite à mes yeux donc je passe mon tour de la « remarque constructive »;-) hihihi ça me hante ce truc. bisous
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Je n’ai pas encore lu les textes des blogs donc pas pris connaissance de celui d’Antigone. Mais effectivement, comme la plupart des parents sont père l’éduque dans la « peur du grand méchant loup » et la « récompense du Père Noël » si je puis dire… Je ne sais pas si cela aide les enfants, mais franchement quels parents n’a jamais usé de cela ? 😉 Bon d’accord, a utiliser avec parcimonie et il ne s’agit pas de faire de la peur la base de l’éducation mais réellement ce n’est pas toujours facile d’y échapper. Enfin bref, encore un vaste sujet…et je me doutais un peu de ta réaction en écrivant mon texte ! 😉 Bisous Nady !
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Tu nous embarques complètement avec cette pauvre fillette,ses craintes,ses remords. On aurait envie de bloquer la machoire du monstre pour empêcher le pire…heureusement que ce n’était qu’un cauchemard. En tant que parents, on peut inconsciemment générer des peurs, ton texte nous le rappelle.merci.
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L’Enfer, le lion inquisiteur, l’ogre dévoreur de bébés… Que de choses pour l’imagination d’un enfant pour qui des péchés véniels sont cause de malédiction fatale, et lui provoque par là même des cauchemars ! On a tous connu çà. Est-ce nécessaire ? C’est très bien ton texte : bien mené et bien écrit.
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Merci Claude. Je ne sais pas si ces peurs nombreuses et diverses qui remplissent nos nuits d’enfants sont nécessaires, mais elles semblent – depuis toujours – constructrices… Et encore, je crois savoir que les premières versions du petit chaperon rouge et autres contes enfantins ont été édulcorées ! On l’a échappé belle ! A bientôt Claude 😉
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C’est parfois difficile de grandir mais quand on est bien accompagné…
avec le sourire
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Et oui ! Le chemin pour grandir est long et parsemé d’embûches…On l’a tous emprunté, d’une manière ou d’une autre, et plus ou moins bien accompagné…Merci de ton commentaire Lilousoleil ! Par contre je n’arrive pas à lire ton texte. Le message suivant apparaît depuis 2 jours : oups ! cette page est introuvable. Contenu introuvable. Vous pouvez essayer l’outil de recherche ou les liens ci-dessous pour le retrouver.
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Très jolie histoire qui se dévore.
Très belle écriture. 🙂
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Merci Noctembule de ton passage et de ton gentil commentaire !
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C’est beau, je suis passée par de multiples émotions … Tu as l’art de nous conduire où tu veux ! En tout cas, joli conte, Jos ! ♥
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Merci Leiloona ! Ton commentaire me touche 😉 ♥
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Décidément, cette tête de lion/dragon a bien inspiré des histoires au rebondissement final bien huilé. Un très beau texte évoquant l’imaginaire de l’enfant, et les menaces des parents qui exacerbent encore plus l’imagination. Mais comme vu plus haut, qui ne l’a jamais fait !
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Et oui…C’est un peu pour cela que j’ai appelé mon texte « Passage obligatoire ». C’est un dur constat, mais l’éducation passe souvent par la peur et je ne sais pas si c’est un mal nécessaire mais il me parait difficile à contourner…Bref : encore un vaste sujet. Merci de ta visite Valou !
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Ceux sont des sujets qui semblent comme hanter, la petite fille de 8 ans qui est adulte maintenant, mais les cauchemars peuvent ressurgir et la peur de ne pas satisfaire ses parents, pas totalement disparue. Inconsciemment, les parents nous laissent des bagages trop lourds à porter, eux-mêmes ayant vécus des moments difficiles durant leur petite enfance. Je te souhaite une bonne journée
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Oui même adulte, une part de nous reste un enfant et toute notre vie nous voulons satisfaire nos parents…J’approche de la soixantaine et pourtant, très régulièrement, je m’adresse aux miens – qui ne sont malheureusement plus là pour m’entendre – pour leur demander leur avis sur beaucoup de choses et je pense souvent à eux en imaginant leur réactions face à mes actes et à ma vie…Mais la roue tourne, et je pense que nos filles ( 29 et 38 ans) veulent aussi que les parents que nous sommes soient fiers d’elles, qu’elles font tout pour cela et qu’elles reproduisent la même chose sur leur propres filles (4, 7, 10, et 13 ans). La vie est ainsi faite…et comme tu le dits « les parents laissent souvent des bagages trop lourds à porter », mais ils ne laissent pas que cela et avec beaucoup d’amour et de dialogue, tout est possible…Merci de ta visite Janickmm !
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