L’AGNOSTIQUE

Ce texte est ma participation à l’atelier d’écriture n°257 du 13 mars 2017 sur Bric à Book

© Emma Jane Browne

Immobile et debout, légèrement penché en avant et la tête enfoncée dans les épaules, l’homme semblait se recueillir. Pourtant, il avait les mâchoires contractées, les poings serrés, et on discernait dans ses yeux rivés sur le crucifix situé derrière l’autel, l’agitation et l’animosité qui le possédaient. Car en lui, des sentiments contradictoires se bousculaient, se chassaient les uns les autres pour mieux reprendre tout à tour leur place et le priver de tout discernement.

Arthur n’aurait pu dire depuis combien de temps il était dans cette église, ni les raisons qui l’avaient poussé dans ce lieu de culte dans lequel il n’entrait d’ordinaire que pour assister aux messes d’obsèques ou de mariages.
Catholique puisque baptisé, il avait appris l’histoire chrétienne et l’avait trouvée si belle et rassurante qu’il avait tenté d’y croire de toutes ses forces. Mais en grandissant, le doute en lui s’était immiscé et les événements de la vie avaient fini par l’éloigner de toute croyance. Bien sûr il ne pouvait nier certains phénomènes, mais il ne parvenait pas – faute de preuve et d’éléments concrets – à en attribuer les causes et les substances à un être supérieur et tout puissant. Pour autant, il ne jugeait pas les croyants et respectait leur Dieu quel qu’en soit le nom. Arthur se contentait simplement de croire en l’Homme, en son intelligence, en sa bonté et en sa capacité à aimer son prochain…

Mais au lendemain de ces terribles attentats qui venaient de toucher Paris, partagé entre la colère et la souffrance, il ne savait plus quoi penser. Des hommes s’étaient révélés d’une cruauté sans nom et avaient fait le choix de la violence pour répandre un message qu’ils disaient être celui de leur Dieu. En prétendant ainsi obéir aux lois divines, ils justifiaient leurs crimes, s’affranchissaient de toute responsabilité et ne ressentaient aucune culpabilité.
Tenaillé entre la colère froide envers tous ces Dieux et la haine de ces hommes devenus fous, Arthur ne parvenait pas à se calmer.

En entrant dans l’église il avait la ferme intention d’en découdre avec le maître des lieux. Au moins s’il existait vraiment, il entendrait ce qu’il avait à lui dire. Puis il avait détourné sa rancune et déchargé son ressentiment envers ces hommes qui la veille, avaient perpétrés ces actes horribles. Mais la sérénité, la pureté et la sagesse de l’endroit l’avaient amené à voir la situation sous un angle plus pragmatique. Arthur finit par convenir que la colère et la haine – ces armes utilisées par des êtres dépourvus de toute humanité – ne pouvaient être la réponse à la cruauté. Pouvait-il agir à l’instar de ceux qu’il condamnait ? N’allait-il pas se fourvoyer en sombrant lui-même dans la violence ?

Immobile et debout, Arthur se redressa et fut presque surpris de se trouver là. Sa rage était tombée et sa détermination n’en était que plus renforcée. Il ne rentrerait pas dans le cercle infernal de la haine, il ne se laisserait pas influencer par ces êtres abjects qui voulaient l’entraîner dans leur barbarie. Il les priverait ainsi d’une raison de plus de se déchaîner et de justifier leurs actes.

Ces hommes n’étaient pas des hommes et ne pouvaient être représentatifs de la nature humaine. Ils n’étaient que des fous fanatiques qu’il combattrait en continuant à aimer la vie, à aimer les Hommes, et à respecter leurs différences et leurs façons de penser.

©Jos Gonçalves le 13 mars 2017


 

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