Ce texte est ma participation à l’atelier d’écriture n°275 du 11 septembre 2017 sur Bric à Book

Odile percevait le son de la voix d’Arthur mais ne l’écoutait plus. Cela faisait une demi-heure qu’il lui relatait le documentaire sur « les plus petits oiseaux du monde » qu’il venait de regarder sur le petit écran … mais Odile avait « décroché » depuis 20 minutes.
Non pas que cela ne l’intéressait pas, au contraire ! les animaux de tout genre l’avaient toujours captivée, mais la décision qu’elle avait prise le matin même l’empêchait de se concentrer sur un autre sujet.
Arthur réussit pourtant à capter son attention quand il se pencha en avant et écarta son pouce et son index de cinq centimètres pour lui révéler la taille du colibri-abeille…
Elle sortit donc de ses pensées et regarda l’homme qu’elle avait rencontré 30 ans auparavant.
Ce qu’elle vit alors ne ressemblait en rien à l’image du « gros » ancrée dans l’inconscient collectif. Elle savait ce qu’avait été sa vie d’obèse. Il lui avait parlé des moqueries qu’il avait subies dès l’enfance et qui s’étaient transformées en stigmatisation dans le monde des adultes. Il avait tout entendu, tout vécu… Les vexations des vendeuses de vêtements lui répondant avec un sourire entendu qu’elles n’avaient pas sa taille ; les regards désapprobateurs et empreints de dégoût des personnes croisées dans la rue ; l’impossibilité de passer son IRM à l’hôpital parce que le matériel n’était pas adapté à sa corpulence (on lui avait fait passer son examen…chez le vétérinaire !) ; les discussions sans fin avec ses proches qui lui reprochaient son manque de volonté, sa mollesse et sa vulgarité !
Ainsi, son obésité était la cause d’une douleur physique bien réelle mais son association péjorative avec des défauts moraux et intellectuels faite par la société, lui infligeait une souffrance bien plus grande encore et transformait sa vie en calvaire. Il n’avait trouvé que des petits boulots et ne s’était jamais marié. Un temps il avait espéré l’amour, mais persuadé par le regard des autres que son image était le reflet de sa personnalité, il avait fini par s’isoler : Odile était devenue, avec la télé, son seul lien avec le monde.
Elle en était consciente, Odile ! et cela rendait plus délicate encore la déclaration qu’elle s’apprêtait à faire à celui qu’elle aimait en secret depuis des années. Une demi-heure plus tôt déjà, elle lui avait révélé avoir quelque chose d’important à lui dire mais il avait aussitôt fait diversion en se lançant dans l’exposé de cette émission de télévision ! L’écouterait-il cette fois ? Arriverait elle a le persuader de ses sentiments ? Les accepterait-il ? N’était-il pas présomptueux de sa part de penser qu’il repousserait son amour par manque de confiance en lui plutôt que par absence de sentiment pour elle ?
Toutes ces questions elle se les était posées à maintes reprises et elle voulait maintenant y apporter des réponses.
Alors elle se lança et regarda Arthur avec une intensité qui l’obligeât à se taire. Il n’était plus un enfant, pourtant pour la première fois, il découvrit dans le regard d’une femme l’amour véritable et sincère et le désir de le partager avec lui. Sans parvenir à cacher ses propres sentiments et à repousser ceux dont il n’espérait plus être l’objet, il laissa ses yeux répondre à sa place et accepta cet amour qu’il ne comprenait pas.
« Ce qui rend beau les gens, c’est le regard de l’amour » Jacques Salomé
©Jos Gonçalves le 11 septembre 2017
C’est dommage d’attendre trop longtemps pour dire à un personne qu’on l’aime car la vie peut rappeler l’un des deux et ce terrible et si beau secret rester en suspens dans l’air… non vraiment dommage…. alors j’applaudis à 2 mains le courage d’Odile ! très mignon ton texte !;-) bisous et belle journée Jos
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C’est tellement vrai Nady : à ne pas oser dire aux personnes qu’on aime ce que l’on ressent pour elles, on ne se fabrique que des regrets et des torrents de larmes ! Merci pour ton commentaire.
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Quel magnifique texte Jos ! Tout est bien amené en plus. Comme Nady, dommage que cela n’arrive pas plus tôt mais mieux vaut tard que jamais !
Citation parfaite en fin de texte.
Belle semaine !
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Le temps est parfois nécessaire pour « oser » ! Le principal n’est il pas de surpasser sa peur, sa pudeur et de faire sauter ces chaînes qui nous empêchent si souvent d’agir ! Merci Virginie de ta visite et de ton commentaire.
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Cool! !!!….c’est un texte qui fait plaisir et je dirais même qu’il fait du bien. ……
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Merci Bénédicte de ta visite et de ton commentaire, et bien contente que cette « déclaration » ait eu cet effet bienfaisant !
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Bravo pour ce joli texte sur les préjugés et la force de l’amour.
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Merci Ludo… Il y a tant de gens qui s’enferment dans leurs certitudes, dans un univers construit sur des idées toutes faites et qui finissent par passer à côté du bonheur…
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Une bien jolie histoire Jos. Il n’est pas toujours facile d’assumer ses sentiments, peur de la réaction de l’aimé(e) mais aussi du jugement des autres qui quoi qu’on en dise a une influence énirme sur nos faits et gestes. Odile a pris son temps mais elle n’en est que plus sincère et Arthur doit être plus en confiance pour s’autoriser à l’aimer.merci pour ce joli texte.
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Oui, le jugement des autres : les pires des chaînes et les plus grands remparts « anti » bonheur. C’est tellement consternant ! En tout cas pour ces deux là…c’est bien parti ! Merci Valérie de ta visite.
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Une très belle histoire bravo ! Tu mets en lumière ces préjugés que l’on préfère toujours taire, aux dépens de certains. Merci pour ce beau moment de lecture.
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Oui, des préjugés on en a certainement tous… A nous de leur donner le pouvoir que l’on veut sur nos actions !
Merci à toi pour ta visite !
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Perso j’ai moins bien adhéré si je puis dire … Bien sur ça conduit vers la réflexion….
Bisous
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Et si cela conduit à la réflexion…je dirais que ce n’est déjà pas mal !
Merci Bip de ta lecture et de ton commentaire !
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Bravo à celle qui a su voir derrière l’enveloppe de chair un cœur à prendre.
Un texte d’ou jaillit la bonté et qui encourage à s’affranchir des préjugés. Mais que de souffrance aussi !
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Oui, beaucoup de souffrance…pour lui comme pour elle d’ailleurs.
Merci Adèle !
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Magnifique ! Entre ces deux personnes il y a déjà beaucoup de points communs, d’habitudes et d’attention, et puis évoquer l’obésité de cette façon est un beau point de vue, humain.
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Merci Janickmm ! Oui tout les rapprochait ces deux là et l’obésité n’a fait qu’allonger le temps de leur rencontre.
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Comme d’habitude la petite citation qui colle à merveille … Et tu as bien raison d’avoir fait passer l’amour dans le regard, le langage du corps ne peut tromper.
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Et oui le regard…on peut tout y faire passer dans un regard, même s’il ne dure que l’instant d’un éclair !
Merci Leiloona !
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Il est beau ce texte, plein de sensibilité et d’humanité aussi à travers les difficultés que cet homme a rencontré et rencontre encore. Et puis cet amour qui voit enfin le jour, sans un mot. Le regard veut parfois dire beaucoup plus que de mots. J’aime les histoires qui finissent bien, surtout quand elles sont si joliment contées.
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