JEUX D’OMBRES ET DE LUMIÈRES

Ce texte est ma participation à l’atelier d’écriture n°271 du 12 juin 2017 sur Bric à Book

© Marion Pluss

Hélène s’était postée derrière la 2ème rangée de sièges qui faisaient face à la scène pour prendre un peu de recul et calmer l’inquiétude qu’elle sentait monter en elle. Il n’en fut rien. Vus sous cet angle, les projecteurs et le décor sommaire – un grand écran blanc sur un fond noir – accentuèrent encore son malaise.

Le trac s’amplifia et commença à tirailler ses entrailles. La panique n’était pas loin.

Décidée à enrayer ce sentiment qu’elle connaissait bien, elle mit aussitôt en application la technique de relaxation qu’elle utilisait régulièrement. Elle s’enfonça dans son siège, ferma les yeux, respira profondément et vida son esprit. Son corps, soudain allégé, commença à flotter et elle se projeta dans ce futur proche, objet de son appréhension.

Elle entendit la musique sur laquelle elle allait se mettre en scène, visualisa le rôle qu’elle allait bientôt interpréter et en exécuta mentalement chaque geste. Sa silhouette se profila sur l’écran et de nombreuses autres, s’immisçant dans ce canevas en construction, vinrent la rejoindre pour enchaîner avec elle les tableaux prévus au scénario.

Les ombres jouaient avec la lumière, grandissaient et rapetissaient à mesure qu’elles s’approchaient ou s’éloignaient de sa source. Elles ondulaient, se courbaient et s’étiraient pour accomplir la chorégraphie tant de fois répétée et parfaitement maîtrisée. Elles évoluaient au rythme des projecteurs qui s’allumaient ou s’éteignaient et des changements de couleur de leur faisceau.

Arrivées à la dernière scène, elles occupèrent tout l’écran et virevoltèrent çà et là, tels des électrons libres. Puis elle se rapprochèrent, restèrent un instant en suspens, et en un éclair fusionnèrent pour ne faire qu’un. L’amalgame ainsi composé prit alors la forme d’une sphère parfaite et paracheva la fresque de la naissance du monde.

La musique s’arrêta soudain et fit place un court instant à un silence lourd et assourdissant.

Puis les spectateurs se levèrent d’un bloc et ovationnèrent les acteurs dont la force d’évocation venait de leur offrir un voyage chimérique. La symbiose entre le public et les silhouettes était tangible et rassurante.

Hélène, enfin prête à se produire devant les nombreuses personnes attendant au guichet, ouvrit les yeux, se leva et alla rejoindre le reste de la troupe.

Le spectacle d’ombres corporelles pouvait commencer.

©Jos Gonçalves le 12 juin 2017


 

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