Ce texte est ma participation à l’atelier d’écriture n°227 du 4 juillet 2016 sur Bric à Book

Elle ne pouvait détacher son regard de l’autel de l’église sur lequel était posée la photo de son arrière-grand-père. Le vieux monsieur, pour lequel elle éprouvait toujours du respect et de l’affection, semblait ne regarder qu’elle.
Elle contempla ce visage basané et crevassé par les épreuves et les combats menés au fil du temps. Aussi loin que pouvaient remonter ses souvenirs, l’homme lui avait toujours semblé vieux. Il avait fait partie de son quotidien et bien que réservé, sa présence discrète était une évidence, une nécessité. Il l’avait aidée à se construire, à surmonter ses doutes, à éviter les erreurs et les pièges de la vie.
Les yeux plongés dans ceux de celui qu’elle avait tant aimé elle revivait les moments de tendresse et d’affection, les discussions et les silences qu’ils avaient partagés. Plus rien n’existait autour d’elle, elle était seule avec lui, hypnotisée par ce visage ouvert et expressif. Ils étaient à nouveau réunis et lui transmettait au-delà de la mort sa tolérance, son équilibre et sa générosité. Elle connaissait bien ce regard malicieux que le vieil homme avait l’habitude de lui adresser au-dessus de ses lorgnons pour lui communiquer son amour, sa joie de vivre et son assurance. Elle le connaissait bien et ne l’oublierait jamais.
Elle comprit alors qu’il serait toujours à ses côtés, que ce n’était qu’un au-revoir. Il lui suffirait de penser à ces moments passés ensemble, de revoir son visage buriné par le temps et son regard serein, plein de sagesse et de bonté, pour le retrouver à nouveau.
Elle détourna enfin les yeux du portrait du vieil homme certaine de l’avoir vu la saluer une dernière fois d’un clin d’œil complice.
C’était peut-être ce qu’il avait voulu : lui laisser son empreinte à jamais, en lui léguant son amour et son équilibre. Il avait atteint son but.
Les mots qu’il avait souhaités que ses proches inscrivent sur sa sépulture, prenaient tout leur sens :
« Il y a quelque chose de plus fort que la mort, c’est la présence des absents dans la mémoire des vivants » *
*Jean d’Ormesson
©Jos Gonçalves le 4 juillet 2016