Ce texte est ma participation à l’atelier d’écriture n°305 du 28 mai 2018 sur Bric à Book
Jeanine regarda autour d’elle. A la douleur du départ de Louise, s’ajoutait maintenant l’ampleur de la tâche qu’elle devait accomplir. Depuis 4 jours elle redoutait cet instant qu’elle savait inéluctable…
Tel un automate, elle sortit un grand sac poubelle, plia quelques cartons destinés à recevoir les pans de son passé et se mit au travail. Pendant des heures, elle tria, jeta et entassa les affaires de sa grand-mère. Certains objets évocateurs l’obligèrent à refouler les accès de peine et de tristesse qui l’assaillaient.
En fin de journée, le petit appartement ne gardait du passage de Louise que les meubles vides dont le déménagement était prévu quelques jours plus tard. Elle fit un dernier tour des lieux, et
s’aperçut qu’elle avait oublié deux coussins sur l’un des fauteuils situé en face de la bibliothèque.
C’était celui sur lequel Louise aimait tant s’installer, pour se laisser immerger par les univers
magiques de ses lectures. Elle s’y enfonçait avec délectation, calée par les coussinets parés de
housses aux crochets qu’elle avait confectionnés.
Quand Jeanine s’en empara, elle découvrit derrière l’un d’eux un vieux carton à dessin, fermé par deux sangles. Sur l’étiquette, on distinguait encore les lettres élégantes que Louise avait inscrites à la plume.
Submergée par l’émotion, elle s’assit sur le fauteuil qui avait pris l’empreinte de sa grand-mère et dénoua les rubans qu’elle avait tant de fois caressés. Sur les feuilles jaunies et gondolées par le
temps, elle redécouvrit l’herbier qu’elle connaissait si bien et dont elle avait toujours admiré la
beauté et l’histoire.
Louise l’avait confectionné après la guerre de 14-18 en mémoire des soldats dont elle était la
marraine et avec lesquels elle avait correspondu. Elle leur avait suggéré de joindre à leurs lettres les végétaux qu’ils cueillaient sur les champs de bataille et ils s’étaient tous prêtés à ce jeu qui les
détournait un court instant de leur terrible quotidien.
Chaque page du recueil mentionnait les initiales de l’expéditeur et le nom terriblement évocateur du lieu de la récolte, rendant ainsi sa lecture particulièrement émouvante.
Quand elle arriva au dernier feuillet, Jeanine décida d’honorer à son tour la mémoire de ces hommes et l’initiative de cette femme au grand cœur : dès le lendemain elle irait confier au Muséum National d’Histoire Naturelle l’herbier de Louise Gailleton.
©Jos Gonçalves le 28 mai 2018
Tu m’avais mis l’eau à la bouche et j’avais hâte de lire l’idée que tu avais eue pour le texte de la semaine et quelle belle découverte ! En début de texte, je te reconnais bien dans un thème que tu affectionnes et que nous partageons (la transmission et nos aînés) et le final me ravit ! j’ai même été potasser le lien tellement cette histoire me fascinait ! bravo pour ton texte !
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Merci Nady ! Louise Gailleton est la preuve qu’il est possible d’aider même sans avoir beaucoup de moyen… Quand j’ai pris connaissance de son histoire j’ai eu envie d’en parler. A Bientôt Nady.
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Joli petit moment de nostalgie que nous connaissaons tous en vidant les affaires de nos parents envolés. Ici un herbier, une autre fois une boite de boutons, une blouse ou un couteau.. Bien souvent des objets sans grande valeur marchande, mains importants à nos yeux.
Merci Jos pour ce bon moment…
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Oui : comme si les objets ayant appartenu à nos proches disparus avaient un peu de leur âme. Merci Amor Fati !
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Magnifique texte qui mêle l’histoire et à l’Histoire.
Très émouvant
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C’est vrai que l’histoire de cette femme m’a touchée quand je l’ai découverte sur le web et cela m’a donné envie d’en parler. Merci Lily Rause de ta visite !
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Je sens ici une parenté d’imaginaire. Tu as trouvé les mots justes pour exprimer cette image que j’avais aussi en tête, « Sur les feuilles jaunies et gondolées par le temps ». Bravo, très joli texte.
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Oui, la photo de cette semaine pouvait nous faire voyager de plusieurs manières… Pour ma part elle m’a fait voyager dans le temps et dans l’histoire. Merci Pierforest pour ton commentaire !
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Pas très fan des herbiers mais l’idée de confection de celui de Louise me plaît particulierement. Merci à toi.
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Oui, et c’est bien ce qui m’a plu aussi dans l’herbier de Louise : son histoire ! Merci Valérie !
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Quel beau récit!
On se trouve tous un jour ou l’autre face à la tâche délicate de faire me tri, le vide dans la maison de nos parents, grands parents. Alors souvent la nostalgie s’invite, les souvenirs aussi et parfois l’histoire avec un grand H.
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Oui malheureusement on connait tous ces moments difficiles (ou on les connaitra un jour); les objets ont alors une autre valeur, et le pouvoir de nous faire revivre le passé et selon la génération à laquelle on appartient de parler de l’Histoire. Merci Marie Kléber !
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Elle a eu une très belle et noble idée, cette femme, amoureuse de la nature de faire ce lien, conservé et important et si bien narré par ton beau texte, merci à toi
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Oui une belle idée qui en dit long sur la personne qui l’a eu ! Elle a ainsi su apporter à son petit niveau et avec peu de moyen le réconfort dont ces pauvres soldats avaient certainement bien besoin. Merci Janickmm !
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Quelle belle histoire, à la fois pleine de tendresse et d’effroi !
J’ai gardé le cahier de couture de maman, avec ses échantillons d’ourlet ou de broderie, et qu’elle avait réalisé à l’école à 12 ans …
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La vrai richesse d’un objet qui a appartenu à quelqu’un qu’on a aimé…c’est son âme ! Merci Adèle 😉
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Oh très joli texte qui mêle la petite histoire à la grande. Une belle émotion en jaillit. Bravo.
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Merci Leil ! 😉
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Très émouvant, ce texte.
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Merci Marinadedhistoires de ta lecture et de ton commentaire ! 😉
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